Fracassé de souvenirs qui ne sont pas les miens, frappé par des images sans couleur, incessantes et malsaines , foudroyé par des regards méprisants, assailli par une terrible odeur de chien mouillé. Je suis la cible de visions qui me déchirent. Je me réveille en sueur. Encore un cauchemar ?! L'odeur d'animal est pourtant là, comme incrustée dans ma peau, dans mon être. Debout dans ma chambre, la fureur s'empare de mon âme ! Ce qui fut une chambre n'était plus qu'un désordre sans nom. Une chambre renversée, comme mon cœur. Une chambre dévastée comme mon être. La fureur qui voile votre vision, laissant un monde en noir et blanc, insufflant l'adrénaline et la violence au plus profond de vos entrailles. Celle qui vous permet de frapper dans les murs avec rage, et de vouloir tout casser comme si ça pouvait résoudre tous les problèmes. Celle là même qui vous permet d'être hors de vous. Si bien que vous pouvez vous observer devenir fou. Car non, pendant la fureur ce n'est plus vous le maître de votre corps, non, ce sont vos démons qui vous dirigent. Ce sont eux qui vous guident sur le chemin de l'enfer. Ils savent comment vous détruire. Ils le savent si bien. Mais pas ce soir... Non ce soir, la fureur retombe. S'écrouler dans les débris de ma vie. S'écrouler et pourtant, se relever avec la force de l'homme qui n'en a plus. Sortir une clope et fumer ses cauchemars, les réduire en cendre, les écraser dans le cendrier, souffler sur les braises et repartir affronter cette nuit. Le combat n'est pas fini.

A.G.K

Le temps défile, les aiguilles de la montre se plantent dans ma chaire telles des seringues m'injectant un bien cruel poison. Le venin qui coule dans mes veines est celui d'être devenu adulte. Cloué sur place par ce mot abominable, je saigne mon enfance sur le plancher de ma chambre. Quelle illusion de penser avoir été enfant, quel rêve de vouloir le devenir...

A.G.K

Cette nuit est noire, et comme les précédentes, elle se délecte de ma souffrance, s'insinue dans mes plaies à vif, et rouvre un peu plus mes blessures béantes.

Un enfant, un jeune garçon, un pauvre petit bout, qui dort avec des chiens. Collé à eux dans le panier en osier, tentant de se réchauffer comme il peut. Le petit garçon brun aux yeux sombres lèche sa main blessée, et émet de petits grognements en tremblant sous la pluie.

Cette nuit il pleut dehors aussi. Une pluie d'acide sur mon cœur, de l'acide qui me dissout peu à peu. Laissant du vide, un vide fait de néant, un néant fait de rien, finalement il ne reste pas grand chose. Assis sur mon balcon, trempé, bu par ces eaux venues du ciel, je me noie. Je connais ce petit garçon, ces yeux, ce regard. Cette innocence dans sa torture. Je sais sans savoir, je vois sans regarder, je ressens sans comprendre.

A.G.K

Dans les volutes de mon esprits voilà qu'un avion passe avec son bruit infernal de réacteur, le voilà qui passe pour foncer tout droit dans mon cœur. Le fou, le malade, il lâche une averse de bombes qui résonnent à l'intérieur, explosant tout, défonçant veines et artères, ne laissant plus qu'un vaste cratère. Me voilà démantibulé, handicapé face à la vie qu'on m'a donné, comment lutter avec le cœur arraché, avec plus qu'un champ de bataille ravagé ? Avec des millions de morts dans mon cimetière, y a pas de quoi être fier. Ils avaient touché le point sensible ces salops, c'était la guerre. Je ripostais par des injures afin de leur laisser quelques brûlures ! C'était pas grave si je me blessais, au point où j'en étais. J'ai pas peur d'eux, de toute façon, j'suis déjà mort. J'ai pas peur d'eux, parce que moi j'suis encore en vie. Eux ? Qui eux ?! Qui sont ces esprits qui me tourmentent ? Qui sont ces soldats qui s'appliquent à me fusiller chaque soir, me laissant m'écrouler crachant mes sentiments comme des balles mal digérées. Je suis invincible, un Prométhée, condamné à vivre, à se faire dévorer par l'aigle de la torture chaque jour. Pour avoir rendu la lumière, moi j'ai perdu ma lueur.

A.G.K

Aujourd'hui je me suis vu, j'étais hors de mon corps, un spectateur devant une arène de gladiateur, hurlant, supportant mon favoris avec ferveur. Un tout petit gars, sans arme, seulement sa résistance et sa prestance. Face à lui, trois colosses avec leurs filets de mensonges, leurs tridents de moqueries. Combat inégal me direz vous, eh bien oui. J'ai vu ce match sanglant bien assis sur mon lit, regardant les yeux grands ouvert ce gosse être frappé par ces molosses. J'entendais les autres spectateurs rire et hurler, applaudir devant les coups bas, des sourires cruels sur leurs visages, des yeux brillant de cruauté. Arf, l'arène de mépris supportait les balourds et leurs bruits sourds. C'est terrifiant de voir ce plaisir éclairer les visages devant un tel carnage.

Imaginez entendre le bruit des os craquer, avoir l'image d'un gamin qu'on fracasse à coup de burin, imaginez voir une tête exploser telle une bouteille, avec des tessons de crâne qui s'étalent sur le sable de l'arène, imbibant le sol d'un alcool sanguin. Imaginez vous tout ça et dites vous que ce p'tit gars, il a survécu, il ne les a pas laisser faire ça. Aussi incroyable que ça puisse paraître, il les as battu, ces gros ours poilus ! Un combat acharné, il a été blessé oui, mais il a vaincu. Le silence dans l'arène, la stupeur. Dans les yeux du gosse la fureur, la haine. Pas de sourire victorieux, simplement l'envie de faire payer ces misérables, tous ceux qui scandaient sa mort. Il n'avait pas peur ce petit, il n'avait plus peur. Seulement de la rancoeur...

Encore un rêve...

A.G.K

J'ai vomi, ma vie, mon coeur, mes espoirs. Tout est sorti. Après une bouteille de vodka aussi, il fallait s'y attendre. Je bois, je ne cesse de boire : mes rêves, mes douleurs, la vodka. Surtout la vodka en fait.

Trois mois, trois mois déjà que j'me suis pris un mur. J'ai toujours ce foutu mal de crâne et le cerveau en panne. C'est quoi cet hôtel, c'est quoi cet Orphelin qui me pourchasse quoi que je fasse ? J'suis censé vivre ici, alors que je déteste tout le monde, même mon lit ? Comment je vais faire, j'peux même pas me regarder, quel déchet. Une ordure, une loque humaine, une sorte de dune qui diminue, érodée par les jours, par le vent, par les sentiments et la tristesse. Je côtoie en ce moment même le désespoir, un bon pote depuis quelques temps, il m'apprend à manier la rage et l'amertume. Il me montre sans cesse la direction du bar, c'est un vrai pote ce désespoir.

On me connaît, je suis l'ivrogne de service, « le p'tit jeune qui a une bonne descente » qu'on me surnomme. Ils ne savent même pas à quel point la descente est raide, en fait ce n'est pas une descente, c'est une pente, abrupte, une falaise. Immense. Une jolie falaise cela dit, avec de l'herbe sur le dessus, un cerisier en fleur, surmonté d'un ciel gris et et quelques nuages. La falaise a une hauteur vertigineuse, et en contre bas, la mer et ses rochers. La mer en colère qui la fracasse à coup de vagues ravageuses et régulières. Voilà à quoi ressemble ma vie, ma falaise, et je suis là, sur le bord. Cheveux dans le vent, avec la sensation d'exister avant de m'effacer. Les yeux vers l'infini de l'horizon, les bras écartés, prêt à sauter. Ce serait le paradis. Le saut, libérateur, incroyable, je tue la vie d'un sourire. La chute.

Le réveil. J'suis toujours là, en train de vomir ce qu'il me reste dans le coeur. Je n'ai pas encore fini de gerber mon père, je n'ai pas encore fini de rendre ma colère. Ce n'est pas l'heure pour les suicides, trop facile de partir.. Je vais lutter quitte à en chier, j'vais pas devenir la merde qu'il voyait quand il me regardait, j'vais pas devenir ce p'tit gosse merdeux et capricieux qu'il était ! Non, j'vais être un homme, un vrai. J'vais la grimper cette falaise, tout en haut, pierre par pierre jusqu'à l'atteindre ce cerisier, jusqu'à l'atteindre mon paradis.

A.G.K

Stop. Voilà je dis stop aujourd'hui, le petit Azraël qui sommeille dans mon cerveau s'applique à planter les panneaux, plein de petit stop partout. Un, bien calé dans ma mémoire, histoire d'être sûr d'arrêter les regrets. Un panneau planté aussi pour les émotions : un énorme panneau là. Et je rajoute même un panneau demi-tour. Voilà. Comme ça pas de dégâts, aucune possibilité de souffrance, pas la moindre petite parcllle de douleur en vue, aucun accident de l'amour, et encore moins à cause de l'alcool au volant. Je fais un détour par la voie de l'amour, et là je rajoute la panneau interdit, parce qu'au final l'amour c'est un peu comme une voie sans issue. Le genre de chemin où tu t'engages en espérant que ça passera et que tu vas avancer mais au final tu reviens sur tes pas. Un petit panneau aussi pour les rêves, limitation 90. Si je rêve trop, je ne reviendrai pas sur terre et je finirai fou, peut être le suis-je déjà d'ailleurs, va falloir que je surveille. Le problème c'est que j'ai jamais su respecter les limitations de rêve, et j'ai souvent eu des retraits de points sur ma responsabilité. Tant mieux ce truc là, on devrait mettre un panneau attention. Genre méfiance, vous aventurez pas trop, c'est une zone dangereuse. Je suis en train de penser, c'est quand même bizarre, mais sur l'autoroute de ma vie, j'ai pas trouvé une seule voie de sortie... Comment on fait pour revenir au départ, pour tout effacer et prendre une nouvelle route, une nouvelle destination ? Je tourne le volant de ma vie comme une furie, j'fais demi tour à fond comme un malade, à contre sens, je pars à la recherche de mon enfance , évitant les pauvres cons qui vont dans le bon sens, dans le sens de la mort ! Je sais que je finirai par crever à force de vivre dans le danger, surtout que j'ai pas de ceinture de sécurité, pas d'amis pour me sauver, personne pour appeler les urgences et personne pour venir me voir à l'hôpital. J'suis seul au volant de ma vie, prêt à faire tout un tas de conneries. Que pensez vous d'un enfant de huit ans au volant ? Et bien c'est moi. J'ai huit ans et j'suis dans une grande voiture, je touche pas bien les pédales alors j'ai du mal à accélérer pour échapper à mon père qui cours comme un fou furieux derrière, mais je sais reculer, alors je l'écrase, je l'écrase encore. Je l'écrase comme il m'a écrasé moi, j'veux qu'il souffre comme il a fait souffrir maman...

A.G.K